Nous avons déjà observé que l’auteur du Tanya se défendait de la moindre originalité en ce qui concerne son œuvre. Au contraire, il a souligné tout ce qu’il devait à ses prédécesseurs. Parmi les « livres et les scribes » qui influèrent sur sa pensée, les Écritures, le Talmud et la Kabbalah Lourianique doivent avoir la première place. Cela est indiqué dès le premier chapitre, qui ouvre le livre avec des citations du Talmud, des références à la littérature Zoharique et à Rabbi ‘Haïm Vital, le grand interprète de la Kabbalah Lourianique, et des citations éparses empruntées aux Écritures. Ce qui nous donne déjà une indication sur la forme d’esprit de l’auteur et sur l’objectif qu’il s’est assigné, à savoir : édifier son système sur les fondements combinés de sources scripturales, rabbiniques et kabbalistiques.
Les interprétations et les doctrines de Rabbi Chnéor Zalman sont basées sur les enseignements du Baal Chem Tov, fondateur de la ‘Hassidout générale, et des propres « maîtres » de l’auteur : Rabbi Dov Ber de Mézéritch, successeur du Baal Chem Tov, et Rabbi Abraham « l’Ange » fils de Rabbi Dov-Ber. L’auteur puise abondamment dans le Zohar et Tikouné Zohar (ouvrages de Kabbale reprenant les enseignements de Rabbi Chimon bar Yo’haï). Il mentionne nommément Maïmonide (le Code), et Rabbi Moché Cordovero (Pardès). Parmi les autres « livres et scribes » qui l’influencèrent, bien que le Tanya n’en fasse pas mention, citons le Chné Lou’hot habrit de Rabbi Isaïe Horowitz, les œuvres du Maharal (Rabbi Juda Lowe) de Prague, et le Commentaire sur la Bible de Rabbi Ba’hya ben Acher. Le Kouzari de Rabbi Yehouda Halévi était tenu en très haute estime par Rabbi Chnéor Zalman et ses successeurs. On sait que l’auteur a mis beaucoup d’ardeur à l’étudier avec son fils et son petit-fils qui lui succédèrent.
Il en fut de même des Devoirs du Coeur («‘Hovot haLevavot») de Ba’hya ibn Pakouda, ouvrage qui jouit d’un grand crédit aussi bien parmi les érudits talmudiques de l’époque que parmi les contemporains. Les Ikarim (les Principes fondamentaux du Judaïsme) de Rav Yossef Albo fut une autre source fort populaire parmi ceux qu’attirait la philosophie. Rabbi Chnéor Zalman connaissait intimement ces derniers et était familiarisé avec toute la pensée philosophique juive du moyen âge. Rien ne permet cependant d’affirmer que ces sources aient influencé de quelque manière la composition du Tanya. La Kabbalah, dans son interprétation, n’était autre que la dimension interne, ésotérique de la Torah, son « âme » même. Sans cette dimension, la Torah ne pouvait être pleinement comprise. Dans le Tanya, l’ésotérique et l’exotérique, la Kabbalah et le Talmud sont tout à fait mêlés et unifiés, de la même manière que le physique et le métaphysique, le corps et l’âme, apparaissent, par l’effet de sa pensée, comme deux aspects de la même chose.